Lettre ouverte au Président de la République à propos du gaz de schiste

A l’attention de Monsieur Nicolas Sarkozy.

Monsieur le Président de la République,

Vous vous êtes attelé au sauvetage de l’Euro et de l’Europe, mais d’autres défis tout aussi urgents se présentent à vous. A l’approche de l’hiver, deux sujets inquiètent les français dans leur ensemble : la facture énergétique qui risque de s’annoncer particulièrement salée et les éventuelles coupures d’électricité qu’il faut craindre sur notre réseau.

L’heure est venue pour effecteur des choix énergétiques engagés, responsables d’un point de vue stratégique et porteurs de croissance. A ce sujet, je me permets de vous alerter sur l’une de vos récentes déclarations à propos de la filière nucléaire et de l’EPR de Flamanville.

J’ai cru vous entendre demander (propos rapportés par l’AFP) : « Le nucléaire, dans un pays comme la France qui n’a pas de pétrole ni de gaz, je le remplace par quoi ? ».

Eh bien, Monsieur le Président de la République, je suis navré de constater que vos Conseillers vous renseignent bien mal en la matière. Vous n’êtes pas sans connaître l’existence du gisement de pétrole de Zaedyus qui vient d’être découvert au large des côtes guyanaises. Cette découverte semble confirmer la théorie des gisements jumeaux, celui-ci étant le frère séparé des gisements situés au large du Ghana.

J’espère qu’Anne Duthilleul, Ingénieur Général des Mines, envoyée par les trois Ministres de l’Ecologie, des Mines et de l’Outre-Mer en mission d’appui pour accompagner le développement de l’industrie pétrolière en Guyane, arrivera aux mêmes conclusions que moi dans le premier rapport provisoire qu’elle doit soumettre au Gouvernement à la fin de cette année. A savoir : ce gisement n’est que le signe avant-coureur d’autres découvertes à venir dans la même région.

Mais sans aller si loin, nous avons sous nos pieds, en métropole, des quantités considérables, de gaz de schiste. Il est enfermé profondément dans différents bassins sédimentaires français, en Aquitaine, dans le Sud-Est, dans le bassin parisien et le fossé rhénan. Des experts américains affirment que nous détenons, après la Pologne, les réserves les plus importantes du continent européen.

C’est sans compter avec la Zone Economique Exclusive de 334 604 km² attenante à nos côtes et qui recèle également des hydrocarbures de gisement non conventionnels. Dans notre métier, il est courant de dire que le pétrole se trouve d’abord dans la tête de ceux qui le recherchent. Or la France possède la deuxième Zone Economique Exclusive au monde (10 035 000 km²) derrière celle des Etats Unis (10 450 000 km²), mais la nôtre est répartie au large des cinq continents. On est donc en droit de penser que, dans un avenir proche, la France aura un rôle considérable à jouer en matière de fourniture d’énergie, le jour où la technologie rendra l’exploration et la production de gaz de schiste en mer économiquement rentable.

Quelle bonne nouvelle, Monsieur le Président : la France a donc bel et bien du pétrole et du gaz, en métropole comme en Outre-Mer ! Réjouissons-nous de disposer d’un actif stratégique si important, dont nous devrions tirer parti avec discernement.

Encore faudrait-il que nos politiques reviennent sur terre et prennent à cœur l’intérêt du pays et de ses habitants avant de songer à leur propre réélection !

Lorsque Christian Jacob vous a soumis l’été dernier la proposition de loi 3301, dont l’exposé des motifs aurait pu être écrit par Josh Fox lui-même, ce documentariste de talent auteur de Gasland qui a fait croire au monde entier que Mike Markham pouvait faire flamber l’eau de son robinet car elle contenait du gaz de schiste (sic), vous avez trouvé ce projet de loi bien équilibré et vous l’avez approuvé malgré l’avis contraire de Bernard Accoyer.

Ce fut à mon sens un mauvais calcul car le documentaire Gasland ne concerne nullement le gaz de schiste et le gaz de M. Markham n’est que du gaz biogénique comme il en existe de grandes quantités dans les charbons superficiels du Bassin de Denver-Julesburg, là où précisément M. Markham a implanté son forage d’eau.

A vrai dire, ce fut une erreur économique car si vous aviez autorisé l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures de gisements non conventionnels, à l’instar des Etats Unis notamment, le prix du gaz en France se trouverait sur une spirale descendante et le panier de la ménagère en serait allégé. Il me semble que pareil argument devrait aussi résonner à l’oreille des députés à l’approche des élections législatives, mais la politique n’est pas mon domaine.

Produire ces hydrocarbures domestiques rendrait la France non seulement énergétiquement plus indépendante, mais devrait concourir à sa ré-industrialisation en mettant à la disposition des industriels et des particuliers une énergie à bas prix. Rappelez-vous que la France importe 98% de son gaz aujourd’hui, pour un montant proche de 10 milliards d’Euros par an. Sacrée facture !

Alors que dans tous les pays du monde à l’exception de la France, les compagnies pétrolières
investissent massivement dans le gaz de schiste et créent des emplois, votre administration, sous la pression d’écologistes irresponsables (vraisemblablement téléguidés à leur insu par de puissants lobbies) qui ne cessent d’agiter l’opinion publique avec des informations alarmistes et infondées, a mis d’incroyables barrières administratives et techniques à l’exploitation de ce nouvel eldorado.

Vous vous êtes fait élire en vous présentant comme le Président du pouvoir d’achat, mais depuis le début de votre mandature, le prix du gaz a augmenté de 65% en France et continue de croître tandis qu’il a baissé de 75% aux Etats Unis.

Alors même que vous réaffirmiez ces jours-ci votre opposition au gaz de schiste devant un parterre d’opposants ardéchois, une étude effectuée le 6 décembre par l’IHS américain et publiée dans la dernière édition du magasine World Oil, le jour de votre intervention, disait en substance qu’en 2010 l’industrie du gaz de schiste avait fait travailler 600 000 personnes aux Etats Unis et avait rapporté 76,9 milliards de dollars au PIB américain. La production de gaz de schiste, qui représentait alors 27% de la production nationale de gaz naturel devrait passer à 34% en 2011 pour atteindre 43% en 2015 et 60% en 2035. Dans le même temps, les emplois directs et induits liés à cette industrie devraient passer à 870 000 en 2015 et atteindre 1,6 millions en 2035.

En France, votre administration s’appuyant sur le fait du prince, s’est permis d’abroger trois permis de recherche d’hydrocarbures de gisements non conventionnels qui avaient été accordés dans les régions de Nant, de Montélimar et du Larzac, rabaissant notre pays au rang de République bananière. Ces permis avaient été accordés au grand jour, le plus légalement du monde, après avoir été étudiés par les services du Ministère de tutelle et, contrairement à ce qui a été écrit dans la presse et colporté à l’envie par les écologistes, leur attribution avait fait l’objet, en 2007 et 2008, de nombreux articles de journaux favorables, dont j’ai les textes, dans le « Dauphiné Libéré » et le « Midi Libre » en particulier.

L’IHS dont j’ai parlé plus haut, s’est livré à une étude prospective intéressante de laquelle il ressort qu’aux Etats Unis :

–    En 2015, les investissements privés dans la recherche et la production de gaz de schiste atteindront 48,1 milliards de dollars et que, de 2010 à 2035, ils se monteront à 1 900 milliards de dollars.

–    La contribution au PIB qui était de 76,9 milliards de dollars en 2010, elle devrait passer à 118,2 milliards de dollars en 2015 et atteindre 231,1 milliards en 2035.

–    Pour  la période 2010-2035, l’industrie du gaz de schiste devrait rapporter à l’Etat fédéral ainsi qu’aux différents Etats producteurs et aux collectivités  933 milliards de dollars en impôts et taxes diverses.

–    Enfin, du fait de la baisse du prix du gaz, entre 2012 et 2015, les ménages américains disposeront chaque année d’un revenu supplémentaire estimé à 926 dollars et cette somme devrait atteindre 2 000 dollars par an à partir de 2035. De tous les chiffres ci- dessus qu’il est certes difficile de transposer en France, seuls les montants que nous venons d’énoncer dans ce paragraphe paraissent applicables au panier de la ménagère française.

Faisons un calcul rapide. Imaginez, Monsieur le Président de la République, que vous soyez réélu en 2012 et qu’à la moitié de votre second mandat les ménages français puissent disposer de 726 Euros supplémentaires par an, voire davantage. Vous mériteriez alors pleinement votre titre de Président du pouvoir d’achat.

Encore faudrait-il que la recherche de gaz de schiste soit autorisée d’ici là. En attendant, en France, l’interdiction de la fracturation hydraulique a conduit la société Vallourec à construire, aux Etats Unis, une usine de 650 millions de dollars pour fabriquer des tubes et tubages pour l’industrie pétrolière et notamment pour l’industrie du gaz de schiste. Une partie de ces tubes et tubages sera exportée mondialement. La France en importera pour ses forages conventionnels. La chose est d’autant plus ironique qu’en 1951, lorsqu’a été découvert le futur gisement de Lacq profond, son gaz riche en hydrogène sulfuré et très corrosif avait conduit les aciéries de Pompey et le groupe Vallourec à mettre au point des aciers spéciaux pour le produire. Le gisement de Lacq profond est depuis soixante ans l’un des plus beaux fleurons industriels de notre pays.

De nos jours, les écologistes cornaqués par des lobbies divers et un principe de précaution dévoyé (qu’en penseraient Blériot, Lindbergh, Mermoz, Madame Curie et vous-même, Monsieur le Président, qui avez su prendre des risques quand il le fallait ?) auraient amené les « décideurs » à prendre à la lettre la recommandation de Myron Kinley, l’illustre pompier volant appelé en renfort pour colmater le puits LA3 entré en éruption, en 1950 : « rebouchez vite ce trou et laissez les vaches paître tranquillement ! ».

La question qui se pose désormais est la suivante : saurez-vous tirer parti des extraordinaires richesses naturelles dont la France dispose pour notre bénéfice à tous ? Indépendance énergétique accrue, emplois, baisse des prix… nous ne pouvons qu’y gagner sur tous les fronts.
Dans l’attente de votre reconsidération de ce dossier ô combien stratégique, je vous prie de recevoir, Monsieur le Président, mes sincères salutations.

Gérard S. Medaisko (Ph.D.)
Géologue-conseil